Malika Madi est écrivaine. Auteure de romans, d’essais, de nouvelles… En 2000, elle publie son premier roman, Nuit d’encre pour Farah, récompensé par le Prix de la Première OEuvre de la Fédération Wallonie-Bruxelles en 2001 et nommé pour le Prix des Lycéens (Belgique) en 2003. Elle s’est également lancée dans l’écriture théâtrale et dans la réalisation de films et de documentaires. Dans les écoles, elle anime régulièrement des ateliers d’écriture et des rencontres avec les jeunes.
Interview réalisée en juillet 2017 pour la brochure de l’Espace Magh (septembre – janvier 2017)
Qui est Malika Madi ?
Une femme issue de la deuxième génération de l’immigration. Elle est tombée amoureuse des livres quand elle avait 8 ans et elle avait deux rêves : devenir mère de famille nombreuse et écrivain. Aujourd’hui, c’est chose faite.
J’ai toujours eu envie d’utiliser l’écriture comme un outil de transmission, d’être témoin de mon temps. Les écrivains sont des observateurs, des artistes qui proposent un éclairage sur le monde qui les entoure.
Parallèlement à ta carrière de romancière, tu mènes des ateliers d’écriture et tu rencontres des élèves dans les écoles. Pourquoi est-ce important pour toi de mener ces activités et de rencontrer les jeunes ?
Effectivement, je ne suis plus uniquement auteure car je suis très impliquée dans les écoles. C’est très important pour moi d’aller rencontrer les jeunes. Aujourd’hui, je fais entre 50 et 70 animations par an dans les écoles de la Fédération Wallonie- Bruxelles. Les élèves lisent l’un ou l’autre de mes livres, ensuite, je débats avec eux. Je m’aperçois que ma place dans la classe est importante parce que je suis une personne qui sort du cadre scolaire. L’écoute est beaucoup plus aiguë de la part des jeunes. Avec eux, j’aborde la condition des femmes, l’immigration, l’actualité, l’islam. J’aime aussi beaucoup la thématique de la transmission. On y est tous soumis, de nos parents ou grands-parents. Mais, lorsque l’on est issu de l’immigration, la transmission est différente car on nous transmet des valeurs, des us et des coutumes qui ne sont pas toujours en adéquation avec la vie occidentale. Il faut, dès lors, composer avec ces us et coutumes.
Comment as-tu été amenée à travailler pour le théâtre ?
Le roman est un art de solitude. L’émotion qu’un roman peut susciter se transmet de manière exclusive entre l’auteur et le lecteur. On le publie, le lecteur le lit ou pas et, on en a écho des semaines, voire des mois plus tard. Le théâtre est un art de l’immédiateté. On sait tout de suite si ça marche ou pas.
Il y a plusieurs années, j’ai travaillé dans un atelier théâtre à Molenbeek avec Ben Hamidou. Nous avons réalisé une pièce qui s’appelle Sucre, venin et fleur d’oranger. Elle mettait en scène 8 femmes non-professionnelles. On a réussi à construire une pièce incroyable dans laquelle la dérision est le sujet central : on rit de nous et de notre culture. Voir les réactions du public est très jouissif pour moi.
Tu as écrit Un homme libre, une pièce de théâtre, qui sera présentée au mois de mars 2018 à l’Espace Magh. Peux-tu la présenter ?
J’ai eu envie d’écrire Un homme libre parce que l’on parle beaucoup de la position de la femme dans cette immigration mais j’avais envie de parler de l’homme. Mon personnage principal est Adam, un homme d’origine arabo-musulmane. Il est radiologue et est considéré comme un grand médecin. Adam est athée, il a fait table rase de son passé et de ce qui construit son identité : ses origines et la religion.Il renie la transmission de son père qui est issu de l’immigration et prosélyte. Bilal, le fils d’Adam, se questionne sur sa religiosité, comme beaucoup de jeunes. Le jeune homme se sent plus proche de son grand-père que de son père. Adam apprend à vivre avec ça jusqu’au jour où il a un coup de cœur pour Sara, l’une de ses patientes. Mais, celle-ci va se suicider parce qu’il lui aura prescrit une biopsie inutile. C’est son premier échec professionnel et suivra une grave dépression.
Dans ce texte j’évoque en filigrane un thème qui me parle beaucoup et qui est la psychogénéalogie. Je suis convaincue que nous héritons les tourments non réglés de nos aïeux. Adam va justement connaître cette souffrance. Il va découvrir, au fil de sa thérapie, un lourd secret de famille.