Mathieu D’Angelo – connu dans le monde des musiques urbaines sous le nom de Maky – n’est pas un enfant comme les autres, du moins aux yeux des adultes. En classe, il parle trop. On ne peut pas l’arrêter, il a toujours quelque chose à raconter.
Diagnostiqué hyperkinétique, sa mère verse trois gouttes de ritaline dans son bol tous les matins pour le soigner. Ce traitement va-t-il lui permettre de devenir “comme les autres” ?
Avec les mots pour alliés, tantôt écrits, tantôt improvisés, et avec Fabot pour partenaire de jeu et de son, Maky nous conduit sur les chemins de sa vie.
Les mots, ses pires ennemis pendant son enfance, représentent aujourd’hui sa force, son art, son arme. Il les fait rimer, rythmer et jouer ensemble. Ses textes deviennent musique ou matière à rire et à pleurer.
Ce spectacle est un véritable hymne que Maky souffle aux oreilles de tous les imparfaits anonymes : ceux qui sont jugés “trop” ou “pas assez”, ceux qui ne suivent pas les rails tracés, ceux qui doivent toujours faire leurs preuves. La route peut être longue et difficile, mais elle est pourtant bien présente… Avec humour, humilité, sincérité et tendresse, Maky nous le rappelle.
Avec : Mathieu D’Angelo alias Maky et Fabrice Blin alias Fabot (musique) | Scénographie et costumes : Patricia Saive assistée de Stefano Serra | Vidéo : Patricia Saive, Stefano Serra et THISISNOTALOVESONG production | Lumières : Jean-Jacques Deneumoustier |Assistanat à la mise en scène : Agnès Guignard | Mise en scène : Manuel Antonio Pereira.
En partenariat avec Brusselslife
Un spectacle du groupe Tsek. Produit par la Coop asbl.
En coproduction avec le Théâtre Varia et Lézarts Urbains. Avec le soutien du Théâtre des Doms, de la Maison des Cultures et de la Cohésion Sociale de Molenbeek et de Makysard.
Avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles, service général de la Création artistique, Direction du Théâtre.
Avec le soutien du Tax Shelter du Gouvernement fédéral de Belgique.
Qui est Mathieu D’Angelo alias Maky ?
Quelqu’un de passionné et un éternel chercheur puisque je conçois le rap et d’autres formes d’expression comme un laboratoire. J’en fais une recherche permanente. Mais, parfois, c’est bien aussi de pouvoir s’arrêter pour concrétiser des choses. Je fais du rap et de l’improvisation depuis vingt ans et du slam depuis une dizaine d’années.
Je suis également un activiste, un enfant du hip-hop. C’est mon école, j’y ai appris énormément de choses. J’essaie d’ailleurs de les retransmettre dans ma pratique artistique aujourd’hui. C’est comme un art martial, une discipline qui se pratique et que j’essaye d’améliorer et de développer.
Où puises-tu tes inspirations ?
Pour l’écriture, je m’inspire de la vie. Je ne suis pas un porte-parole mais plus un haut-parleur. Mon parcours représente une source d’inspiration. Comme j’ai eu la chance et la malchance de faire beaucoup de choses différentes, cela forme un bagage important dans lequel je peux puiser.
Pendant 8 ans, j’ai mené des ateliers d’écriture, j’ai rencontré énormément de gens et entendu beaucoup de témoignages. J’en suis donc un témoin parmi d’autres.
Je puise également mon inspiration dans le quotidien. J’aime observer ce qui m’entoure, prendre le temps de m’arrêter, ce que tout un chacun fait de moins en moins.
Tu as mené de nombreux ateliers d’écriture avec des jeunes, des adultes, des personnes incarcérées, etc. Pourquoi était-ce important pour toi de travailler avec ces différents publics ?
J’ai un parcours scolaire assez chaotique. J’ai repris des études et fait un graduat d’assistant social. Dans ce cadre, je devais rédiger un travail de fin d’études. À cette fin, j’ai réfléchi à ce que l’écriture m’avait apporté. Mon constat était que le monde n’irait pas mieux et que les gens avaient besoin de bulles d’oxygène. Le sujet de mon travail de fin d’études était « Les ateliers d’écriture de slam/rap sont-ils un outil d’émancipation ? ». J’ai commencé à faire des ateliers et le bouche-à-oreille a fonctionné. Grâce à ça, j’ai mené beaucoup de projets différents.
Au-delà de la différence des publics, c’est toujours la même nécessité qui revenait. Les gens ont besoin de pousser leur cri, d’avoir la parole et d’exister à travers elle.
Quand j’observe les parcours des publics précarisés avec lesquels j’ai travaillé, ils sont souvent obligés de se justifier, de répondre à des critères et à des questionnaires. Par l’écriture, ils peuvent se retrouver. Par ailleurs, un atelier au-delà de l’écriture est un prétexte à la rencontre. C’est l’opportunité de créer un espace de parole.
Hymne à l’imperfection est aussi un prétexte à la rencontre ou c’est une autre démarche ?
C’est un spectacle interactif. J’avais constaté qu’au théâtre, les gens viennent comme s’ils étaient sur des rails. Ils s’assoient, regardent le spectacle et réagissent. Avec Hymne à l’imperfection, on a envie de casser ce rapport, de réveiller les gens, de les sortir des rails. Il ne faut pas être enchaîné par le poids de cet endroit qu’est le théâtre.
Avec cette création nous voulons aussi rassembler des publics qui n’ont pas l’habitude d’y aller. Et pour moi, l’impro est aussi quelque chose de fédérateur.
À travers ce spectacle, l’idée était également d’apporter le hip-hop sur un plateau. La pièce permet de faire prendre conscience aux jeunes que le théâtre est un espace où il peut y avoir des pièces classiques mais aussi d’autres formes artistiques.
Enfin, nous voulons parler aux imparfaits anonymes. Les gens qui sont dans les enseignements spécialisés, dans l’horeca, dans le nettoyage, etc. dont on n’entend pas parler. Ceux qui ne tiennent pas en place, ceux qui n’ont pas la bonne veste ou le bon costume, ceux qui veulent faire bien mais qui peuvent faire mieux.
Le spectacle aborde plusieurs sujets tels que la lutte contre les préjugés, la compétition, le rejet… Pourquoi traiter ces thématiques sur scène ?
Notre société nous dicte qu’il faut être au top à tous niveaux. Aborder ces thèmes par rapport aux jeunes et moins jeunes, c’est dire « J’ai le droit d’être imparfait et d’avoir des failles ». C’est bien de le reconnaître car il est possible de masquer ses failles mais elles restent là et te bouffent. Quand j’étais petit, on me disait que je parlais trop et que je bougeais trop. Finalement ce « parler trop », c’est ce qui m’a permis de m’en sortir. J’ai travaillé dans la vente. J’avais un bon bagou donc je m’en sortais bien. Puis, j’ai repris mes études, j’ai fait de l’impro et ça m’a permis de me reconstruire. Cette oralité a été quelque chose d’omniprésent dans mon parcours alors que c’était quelque chose qu’on accablait. Aujourd’hui, on condamne des choses mais est-ce qu’on le fait parce qu’elles sont répréhensibles ou parce qu’elles ne correspondent pas aux moules dans lesquels on veut te faire rentrer ? Cette question, on voulait l’amener sur la place publique.
Le spectacle est constitué de parties écrites et improvisées. Cela représente-t-il un risque pour toi ?
Oui et non car on a sondé les gens et ils n’identifient pas les parties improvisées et écrites. Au début du travail avec Manuel Pereira (metteur en scène), je voulais insister pour que les gens découvrent cette pratique d’impro. C’est mon côté « porte-drapeau ». Je voulais que le public sente la puissance de l’impro, qu’elle le percute. Manuel me disait que si les gens ne le découvraient pas, c’est que c’était réussi. Finalement, il a raison.
Il y a un grand travail d’écriture. On a essayé de coécrire ce qui n’a pas toujours été évident car Manuel et moi venons de deux mondes différents. Mais cela ne faisait que rendre l’exercice plus intéressant encore. Et l’impro, c’est mon laboratoire. Partir en impro quand je n’ai rien, ce n’est pas évident. Mais le faire face à un public, avec un texte avec lequel je dois faire des liens, c’est beaucoup plus facile. J’exerce cette pratique tous les 2-3 jours. Quand je n’improvise pas oralement, j’improvise dans ma tête.
Peux-tu nous parler de la collaboration avec Manuel Antonio Pereira, metteur en scène du spectacle, et Fabrice Blin alias DJ Fabot qui en assure la musique ?
Au début, nous avons eu 6 après-midis au Théâtre Varia pour présenter un projet. Quand nous avons expliqué le rapport à l’impro, ça restait très abstrait. Suite à ces après-midis, nous avons réussi à présenter une forme de 30 minutes. Cela représentait une base. Ensuite, nous avons eu une résidence de 10 jours à Avignon où nous avons réalisé des étapes de recherches. Ensuite, nous sommes allés à la Maison des Cultures de Molenbeek où nous nous sommes focalisés sur l’habillage sonore. Petit à petit, les différents éléments se sont mis en place : les rapports au son, à l’écriture et à l’impro. Il y a également de l’image proposée par Patricia Saive (scénographie) et Stefano Serra (vidéo). Par la suite, pendant notre résidence au Varia, les différents pôles se sont progressivement emboités.
Cela fait trois, quatre ans que ce projet mûrit dans ma tête. Manuel et moi nous sommes vus plusieurs fois avant de se mettre au boulot. Nous avons eu le temps de réfléchir aux grandes lignes et d’essayer des petites choses. Ensuite, Fabot, designer son et DJ, nous a rejoint. Aujourd’hui, le domaine artistique est tellement compliqué que si tu n’as pas une équipe dans laquelle chacun maitrise son domaine, c’est encore plus difficile.
Le spectacle mêle slam, rap, stand-up et musique. Pourquoi avoir opté pour cette proposition scénique singulière ?
On revient à la notion de laboratoire. J’ai fait du rap pendant un moment. Ensuite, j’ai découvert le slam en adaptant mes textes de rap. Je me suis rendu compte que le public qui n’aimait pas le rap accrochait aux textes slamés. Le rôle d’activiste a repris le dessus et je me suis dit que c’était un endroit où je pourrai défendre le rap. Ce courant a été décrié pendant longtemps et maintenant, tout le monde ne jure que par ça. Je voulais essayer de créer un spectacle qui ait une forme hybride où se mélangent du rap, du slam, du parlé et de l’impro. Et quel est le lieu idéal pour le produire ? Un plateau où il y a un silence total. Le moindre chuchotement, la moindre nuance peut être perceptible. Quelque chose de très doux peut évoluer dans l’extrême. Ensuite est venue la question de la légitimité… Dans le rap, on est rappeur, pas musicien. Et le milieu théâtral est très fermé. Hymne à l’imperfection, c’est aussi un message d’espoir. Montrer qu’il est possible de se produire sur un plateau, que les projets sont réalisables même si ce n’est pas simple et qu’il faut se battre pour ça. Finalement, le plateau est le seul endroit qui permette cette rencontre.
Comment considères-tu une structure comme l’Espace Magh ?
Quand l’Espace Magh a été créé, je ne comprenais pas toujours les objectifs de la structure car elle était assez fermée. Avec le temps, le lieu a connu des changements, il a trouvé sa vitesse de croisière et s’est beaucoup plus ouvert. Aujourd’hui, je le considère comme une salle de concert, un espace de résidence et un carrefour culturel avec différentes origines. J’ai quand même l’impression que pour beaucoup de gens, l’Espace Magh reste encore un endroit qui se consacre plus à la communauté maghrébine que pour le reste du public.